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Affaire KATUMBI : Implication juridique des déclarations de la Juge RAMAZANI WAZURI Chantal.


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-Affaire KATUMBI : Implication juridique des déclarations de la Juge RAMAZANI WAZURI Chantal.
I.                   INTRODUCTION
Madame Ramazani Wazuri Chantal, Juge Présidente du Tribunal de Paix Lubumbashi/Kamalondo multiplie des déclarations selon lesquelles messieurs l’Administrateur Général de l’Agence Nationale des Renseignements (ANR), le Premier Président de la Cour d’Appel de Lubumbashi et le Procureur Général près cette Cour, l’avaient obligé de condamner M. Katumbi Chapwe Moïse, dans l’affaire sous RP 7652 qui oppose ce dernier à M. Emmanouil Alexandros Stoupis, à trois ans de prison, avec arrestation immédiate et aux dommages et intérêts d’un million de dollars américains, afin d’obtenir son inéligibilité à la présidence de la République.

Il revient que les avocats de Katumbi avaient immédiatement interjeté appel devant le Tribunal de Grande Instance de Lubumbashi qui n’a jamais fixé la date d’audience. A ce jour, le dossier est soumis aux participants au Dialogue politique et inclusif, dans le cadre des mesures de « décrispation politique ».
Madame Ramazani a-t-elle réussi à faire entendre sa voix ? Ci-dessous, l’IRDH fait la critique du problème soulevé par la Juge Présidente, sans se préoccuper du fond de l’affaire.

II.                RESUME DES FAITS
Dans deux nouvelles vidéos publiées sur YouTube, respectivement en français, le 03 janvier 2017, (https://www.youtube.com/watch?v=SBDR_eUIb9I), et en Lingala, le 06 du même mois (https://www.youtube.com/watch?v=aXq0L2HA7KA&feature=share),  la Juge Ramazani réitère le contenu de sa lettre de 4 pages, signée le 25 juillet 2016, adressée au Ministre de la Justice et Droits Humains.
Dans sa fameuse lettre et dans les medias sociaux, madame Ramazani affirme qu’il y a eu (i) extorsion de sa signature avec menaces de révocation et (ii) menaces d’atteinte à son intégrité physique.
Sur TV5 Afrique et France24, Madame Ramazani a déclaré craindre pour sa vie. En plus, des sources de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH), elle demanderait la protection internationale, à partir de la France.

III.             PROBLEMATIQUE
La mission de protection et promotion de l’état de droit que s’assigne l’IRDH amène ses chercheurs à poser la problématique suivante :
(i)                 Quelle est la portée juridique de ces multiples déclarations ? Autrement-dit, quelle valeur juridique peut-on accorder à ces différents documents ou supports informatiques contenant les diverses déclarations de la Juge ?
(ii)               Une décision judiciaire déniée par son auteur, quant aux conditions dans lesquelles elle a été rédigée peut-elle produire des effets juridiques ou garder son authenticité ?
(iii)             Quelle est la réaction des autorités judiciaires, face à la dénonciation d’immixtion ou instrumentalisation de l’appareil judiciaire par des animateurs du Gouvernement ?
(iv)             Quelle leçon de Droit les chercheurs et étudiants d’universités peuvent retenir de cette affaire politico-judiciaire ?

IV.             PREALABLE
Avant d’analyser le problème, l’IRDH soulève trois préalables relatifs à la validité juridique des déclarations (documents). Ces fondamentaux sont liés à : (i) la nature desdites déclarations, (ii) la qualité de leur auteur, ainsi que (iii) leur authenticité (documents, textes et vidéos portant ces déclarations).
(i)                             Nature des déclarations
La nature d’une chose est l’ensemble des caractéristiques qui la définissent. C’est le type ou son essence. Si la chose est un document destiné à décrire une situation et à réfléchir sur elle, celui-ci s’appelle rapport. Mais, si le document est un moyen par lequel un citoyen porte à la connaissance du public ou des autorités judiciaires un fait de nature à porter atteinte au droit d’autrui, il devient une dénonciation. Celle-ci (dénonciation) prend la forme d’une plainte lorsque l’auteur des faits dénoncés est la victime elle-même. C’est le moyen le plus récurent de saisine du parquet et ses services de la police, section judiciaire.
Il résulte du cas sous étude que les déclarations de madame Ramazani chantal renferment, à la fois, les caractéristiques d’une dénonciation et d’une plainte. Car, d’une part, madame révèle à l’autorité publique une série de faits qui nécessitent des investigations sur l’immixtion du Gouvernement et de l’Agence Nationale de Renseignements (ANR) dans le fonctionnement de la justice. Et, d’autre part, elle se sent victime des pressions ayant abouti à l’extorsion de sa signature par des hauts responsables de l’ANR, des hauts magistrats et d’un ancien bâtonnier.

(ii)                           Qualité de l’auteur des déclarations.
Madame Ramazani Wazuri Chantal s’identifie comme Magistrate assermentée de la République Démocratique du Congo (RDC), ayant encore le titre de Présidente du Tribunal de Paix Lubumbashi/Kamalondo.
Elle est l’auteure principale du jugement, parce que Présidente de la Chambre qui avait rendu le verdict en question ; elle est l’auteure de la lettre de dénonciation de ladite décision judiciaire ; et, c’est encore elle qui entreprend une compagne contre le fameux jugement à la TV5, France24 ainsi que sur Internet, dans des vidéos publiées sur YouTube. Elle s’est exilée en France d’où elle demanderait un asile.

(iii)                         Authenticité des documents.
Madame Ramazani a produit des documents sous trois formats :
o   Déclarations écrites ;
o   Déclarations télévisées ;
o   Déclarations sur vidéos diffusées sur Internet, dans les medias sociaux.

a.      Déclarations écrites.
Il revient en droit que c’est la « signature » qui donne à un document sa valeur probante. Elle permet à une personne de s’identifier dans un acte et exprimer son approbation au contenu du document. La validité de tout engagement écrit est subordonnée à l’existence de cette signature manuscrite qui lui confère sa force probatoire.
D’après le Petit Robert, la signature permet d’affirmer l’exactitude, la sincérité d’un écrit ou en assumer la responsabilité. Dans le Vocabulaire juridique de Gérard Cornu, la signature est l’apposition que fait une personne sur un document, afin de lui conférer l’authenticité relevant de sa compétence.
En somme, si la signature apposée sur la lettre du 25 juillet 2016, adressée au Ministre de la Justice et droits humains, s’avère être celle de la juge Ramazani, donc la lettre est authentique et devra permettre à son auteure d’assumer ses déclarations écrites.

b.      Déclarations télévisées par la TV5 et France24.
Dans deux interviews différentes, l’une accordée à la TV5 et l’autre à la France24, madame la Juge Ramazani apparaît en bonne santé et saine d’esprit. Une fois, elle est accompagnée par un défenseur des droits humains de la FIDH et une deuxième fois, elle parle seule.
Les deux chaînes de télévision sont d’une réputation mondiale irréfutable. Elles sont autant fiables, car elles sont régulièrement utilisées par le Gouvernement de la RDC, pour passer des messages importants à la nation congolaise.  Si madame Ramazani apparaît en personne à ces télévisions, c’est que les images sont sincères et crédibles. De ceci, découle l’authenticité du contenu des déclarations qu’elle y fait.

c.       Déclarations faites sur vidéos diffusées dans les medias sociaux, sur Internet.
Dans les deux vidéos diffusées sur YouTube (Internet), la Juge Ramazani apparaît avec la même apparence que celle des chaînes des télévisions françaises. La vidéo en version Lingala a la particularité d’avoir la participation du journaliste Ndeko Eliezer Ntambwe, connu de Kinshasa pour ses interviews que lui accordent des politiciens congolais, dans l’émission Tokomi Wapi. De ceci, il y a lieu de croire que les déclarations diffusées sur Internet sont aussi authentiques.

V.                ANALYSE DU PROBLEME PROPREMENT-DIT.

(i)                 Quelle est la valeur ou la portée juridique des multiples déclarations relevées dans les divers supports ou documents précités ?
Ce point revient à évaluer l’effet des déclarations de madame la Juge Ramazani Chantal, avant d’en tirer une conséquence de droit. Selon leur nature constatée ci-dessus, l’analyse porte sur les deux caractéristiques de :
o   dénonciation d’immixtion du Gouvernement dans le fonctionnement de l’appareil judiciaire ;
o   et, plainte contre des individus bien identifiés pour abus d’autorité, menaces d’atteinte à l’intégrité physique et extorsion de signature ;

a.      Conséquence de la dénonciation d’immixtion du Gouvernement dans le fonctionnement de l’appareil judiciaire.
Les déclarations de madame Ramazani démontrent que son jugement viole les principes d’un état de droit, d’un procès équitable et des règles de fonctionnement des cours et tribunaux. Ce fondement illégal expose la décision de condamnation à sa nullité.
En effet, la Constitution de la République affirme, à son article 149, que le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif ; Par son article 150, elle renforce le principe d’indépendance du pouvoir judiciaire, en stipulant que « les juges ne sont soumis dans l’exercice de leur fonction qu’à l’autorité de la loi. […] » ; Elle interdit au Gouvernement, par son article 151, de « donner d’injonction au juge […] ni entraver le cours de la justice » ; Et, par son article 152, elle institue le Conseil supérieur de la magistrature comme son unique organe de gestion.
Ainsi donc, un bon jugement doit être conforme à la loi au sens large du terme (instruments internationaux, Constitution et autres lois internes), ainsi que des règles et principes précis qui meuvent l’organisation et le fonctionnement des cours et tribunaux auxquels les hommes de loi sont soumis.
Par conséquent, lorsqu’une décision de justice, comme celle qui est sous analyse, un jugement définitif d’un tribunal ou arrêt d’une Cour est fondé sur une procédure viciée, sur injonction du Gouvernement, elle est nulle et de nul effet. La loi exige à ce que cette nullité soit prononcée par la juridiction supérieure, pour vice de forme.

b.      Conséquence des déclarations sous forme de plainte contre des individus bien identifiés pour abus d’autorité, menaces d’atteinte à l’intégrité physique et extorsion de signature.
L’extorsion est le fait d’obtenir par violence, menace de violences ou contrainte, soit une signature soit un engagement. Afin de maintenir l’ordre public, la loi pénale réprime l’infraction d’extorsion, par des poursuites contre tout citoyen, y compris les autorités judiciaires et agents des services de renseignements.
Dans le cas sous étude, la victime Ramazani Chantal se plaint de l’extorsion de signature assortie de menaces d’atteintes à son intégrité physique. Cet abus d’autorité de l’Etat implique des investigations aux fins des poursuites contre les individus identifiés dans les documents de dénonciation et de plainte.

c.       Conséquence des déclarations de la Juge sur la valeur juridique de la décision judiciaire rendue.
Le code civil congolais permet la dénégation de signature par son auteur, pour des raisons évidentes. La Juge Ramazani évoque entre autres motifs du reniement de sa signature, l’extorsion assortie de menaces contre son intégrité physique. Elle insiste que le jugement n’a respecté ni la loi procédurale ni rencontrer l’intime conviction du juge qu’elle est.
Il s’en suit qu’un document pour lequel la signature a été extorquée soit contraire à l’ordre public. Ainsi donc, la nullité du jugement en question est la conséquence logique de la violation des procédures judiciaires et les atteintes manifeste au respect des droits de l’Homme, des libertés publiques ainsi que des bonnes mœurs.
Cependant, peut-on considérer que les agents de l’Etat sont déliés du devoir d’obéissance d’exécuter ledit jugement ? L’article 28 de la Constitution répond en stipulant que : « Nul n’est tenu d’exécuter un ordre manifestement illégal. Tout individu, tout agent de l’Etat est délié du devoir d’obéissance, lorsque l’ordre reçu constitue une atteinte manifeste au respect des droits de l’homme et des libertés publiques et des bonnes mœurs […]».

(ii)               Réaction des autorités judiciaires.
La Juge Ramazani Chantal fait usage des dispositions constitutionnelles ci-haut évoquées, pour réagir contre l’immixtion du Gouvernement et la tentative d’instrumentalisation de sa personne, dans l’exercice de ses fonctions. Cependant, il n’y a aucune réaction officielle ni de l’autorité du pouvoir judiciaire ni des syndicats des magistrats. Elle se retrouve en exile, menacée dans son intégrité physique.
Il revient que le pouvoir judiciaire n’est pas le seul à blâmer. Car, le même article 149 de la Constitution, sus venté, dit que la justice est rendue sur l’ensemble du territoire national au nom du peuple. Donc, il appartient au peuple, au nom de qui la justice est rendue, de veiller à tout moment, à sa bonne administration.

(iii)             Leçon de Droit à retenir de cette affaire politico-judiciaire.

o   Premièrement, l’immixtion du Gouvernement dans la bonne administration de la justice, à travers l’instrumentalisation de l’appareil judiciaire par les services de sécurité, en violation du  principe de l’état de droit, entraîne la paralysie de la procédure judiciaire dont le dossier va s’échouer sur la table des négociateurs politiques, au Centre interdiocésain de Kinshasa;

o   Deuxièmement, le silence des autorités judiciaires face aux dénonciations de menaces d’atteintes à l’intégrité physique d’une juge, à cause de l’exercice de sa fonction, démontre l’incapacité du pouvoir judiciaire à établir l’équilibre recherché dans un état de droit, face à un pouvoir exécutif abusif;

o   Troisièmement, la politisation des faits présentés par la juge, bien que réels, dilue la quintessence du dysfonctionnement du système judiciaire congolais et déplace le débat de son cadre de séparation des pouvoirs en droit constitutionnel de la RDC.

CONCLUSION.
L’analyse des déclarations de madame la juge Ramazani Wazuri Chantal démontre l’immixtion flagrante du Gouvernement dans les affaires judiciaires et l’instrumentalisation de la justice qui battent en brèche le principe de l’indépendance de la magistrature, le fondement du procès équitable et de l’état de droit.
La présente analyse a identifié deux problèmes substantiels de droit.

Premièrement, la difficulté légitime qu’a le peuple de reconnaître la condamnation de Katumbi comme l’œuvre de justice rendue en son nom. Au lieu d’être une manifestation de la vérité qui éclaire l’opinion sur l’affaire en dispute entre les parties au procès, ladite décision augmente la confusion du fait d’être contestée publiquement par son auteure qui dit l’avoir signée, sous pression, contre sa volonté, dans les conditions non conformes aux lois du pays.

Deuxièmement, l’analyse a démontré qu’au nom du formalisme juridique, l’illégalité décriée sur la place publique amènera le Ministère Public à ne pas exécuter une décision qui ne peut l’être au nom du Président de la République, Garant de la nation et du respect de la Constitution. Au même titre de l’illégalité du verdict, l’immixtion du Gouvernement embarrasse le Tribunal de Grande Instance de Lubumbashi à fixer l’audience en appel.

Comme conséquence logique de toute affaire politique, l’étude fait remarquer que le cas Katumbi est soumis et analysé par les participants au Dialogue inclusif qui se déroule au Centre interdiocésain de Kinshasa, sous l’égide de la Conférence nationale épiscopale du Congo (CENCO).

En guise de conclusion, il convient de recommander aux autorités judiciaires d’exercer effectivement le pouvoir qui leur est donné par le peuple, à travers la garantie constitutionnelle. A défaut d’exercer les prérogatives dévolues à son autorité, on capitule devant ses homologues.

Par Institut de Recherche en Droits Humains – IRDH