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“Si j’étais Hergé, Mobutu serait mon Tintin”-Exposition BD africaine à Paris


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AlMata-Tous deux réfugiés politiques en France, les dessinateurs congolais (RDC) et tchadien, Al’Mata (RDC) et Adjim Danngar, reviennent sur leur passé de caricaturiste dans la presse africaine. À l’occasion de l’exposition “Á la découverte de la bande dessinée africaine”, à Paris, ils ont répondu aux questions de “Jeune Afrique”.

Deux styles différent, la même passion ; deux parcours mais un destin semblable. Al’Mata est originaire de RDC et Adjim Danngar vient du Tchad. Deux dignes représentants de la BD africaine exposent jusqu’au 13 mars à Paris, dans la Librairie-Galerie Congo, quelques-unes de leurs planches originales. Pour Jeune Afrique, ils reviennent sur leurs parcours. Si la bande dessinée reste leur premier amour, ils se sont aventuré sur le chemin, parfois dangereux, de la caricature de presse. Entretien.

Jeune Afrique : D’où vous est venue l’envie de dessiner ?

Al’Mata : Je suis tombé dedans quand j’étais tout petit ! Mes deux grands frères dessinaient déjà et nous achetions beaucoup de bandes dessinées. Vers 6-10 ans, avec mes amis, je m’amusais à reproduire les affiches de cinéma. J’ai continué dans ma lancée en m’inscrivant aux Beaux-Arts de Kinshasa, puis avec un stage de BD avec le dessinateur belge Turk (“Léonard”, “Robin Dubois”), alors présent en RDC.

Adjim Danngar : C’est un peu le même scénario pour moi. J’ai commencé quand j’étais tout petit. Je lisais alors beaucoup “Astérix”, “Lucky Luke”, “Tintin”, et puis les Comics américains comme “Spawn” de Todd McFarlane, ou ceux de Marvel.

Al’Mata : Moi j’étais plutôt BD franco-belge.

Adjim Danngar : En classe de quatrième, j’ai inventé mon premier personnage, un superhéros africain, une première. Il détruisait les “super-méchants”, tous ces gens au pouvoir et qui faisaient la guerre ! Enfant, au Tchad, j’ai vécu la dictature d’Hissène Habré, la guerre et la peur quotidienne de ne pas voir mon père, enseignant et syndicaliste, rentrer le soir. À 17 ans, je suis entré dans l’atelier “Bulles du Chari” à N’Djamena. J’ai pu y rencontrer de nombreux auteurs et dessinateurs, et apprendre le b-a ba de la BD.

Comment s’est faite la transition vers la caricature politique ?

Al’Mata : Je suis entré dans l’univers de la caricature de presse presque par défaut. Alors qu’il n’y avait pas assez de maison d’édition en RDC, la presse m’a permis d’être publié. Dans les années 1990, avec le lancement du processus de démocratisation, de nombreux journaux sont nés en RDC. En 1991, alors que j’étais encore aux Beaux-Arts, un photographe est venu à moi pour m’expliquer que L’Observateur, journal alors en plein lancement, recherchait un caricaturiste. Par la suite, j’ai publié dans de nombreux autres journaux comme L’Exploit, L’Alerte, Le Grognon, Vite-vu.

Adjim Danngar : J’ai un peu le même parcours. Avec le dessin de presse, j’ai découvert quelque chose de très fort. Je publiais déjà depuis 2002 dans Rafigui, une publication à destination de la jeunesse. J’ai véritabelement commencé le dessin politique en 2003 pour Le Miroir. Dès lors, les problèmes sont survenus très vite. Je m’exprimais sur la guerre au Darfour – une partie des rebelles étant tchadiens -, ou encore à propos de tous les monopoles commerciaux frauduleux de la famille Déby. La famille du président l’a tout de suite mal perçu et j’ai été menacé verbalement, jusqu’au sein-même de la rédaction, huit mois seulement après mon arrivée au journal.

J’ai véritabelement commencé le dessin politique en 2003 pour Le Miroir. Dès lors, les problèmes sont survenus très vite.

Vous êtes tous deux réfugiés politiques. Pouvez-vous nous raconter pourquoi vous avez fui vos pays respectifs?

Al’Mata : À l’occasion de la mort du roi des Belges Baudoin, le 31 juillet en 1993, j’ai dessiné pour Le Palmarès, un Mobutu pleurant de toutes les larmes de son corps, jusqu’à en former une rivière. Son conseiller politique, à ses côtés, l’encourageait à pleurer plus encore, afin d’obtenir le pardon auprès des Belges. Mon dessin donnait ainsi l’image d’un Mobutu “lèche-bottes”, à la solde des Belges ! J’avais donné au Palmarès ma caricature. C’est alors qu’un ami m’a prévenu que la rédaction avait été saccagée. Le soir, à la télévision, Mobutu m’a cité nommément ! Je suis allé me réfugier chez ma tante. Le journal a été interdit de sortie le lendemain, puis racheté par le pouvoir. Je vis en France depuis 2002 et ne suis pas revenu en RDC depuis.

Et vous, Adjim Danngar ?

Adjim Danngar : Je suis parti du Tchad en 2004, à 22 ans. Alors que je subissais déjà des pressions très fortes du fait de mes dessins dans la presse, il m’est arrivé un incident rédhibitoire. Je me rendais à l’aéroport pour me rendre au Salon du livre de Montreuil, mon premier voyage à l’étranger. Soudain, j’ai été pris à partie par des paramilitaires qui m’ont passé à tabac. Heureusement, grâce à l’aide d”amis qui m’accompagnaient,  j’ai réussi à m’échapper. Le lendemain, j’ai sauté dans un vol pour Paris.

 

Á Al’Mata , dans votre dernier album, “Le retour au pays d’Alphonse Madiba dit Daudet”, on a l’impression que le chef du village, avec son chapeau en peau de Léopard et ses lunettes carrées, ressemble à Mobutu…

Al’Mata : C’est vrai. J’ai tellement dessiné Mobutu que j’ai du mal à m’en séparer ! Il est finalement devenu mon “personnage”. Si j’étais Hergé, il serait mon Tintin.

Adjim Danngar : Je pense que nous sommes comme ces écrivains qui s’attachent aux personnages auxquels ils ont donné une vie et une personnalité. Parfois, il m’arrive de choisir des personnes existantes et de leur attribuer des petits rôles, en parallèle de l’histoire principale.

Al’Mata : C’est un peu comme Uderzo, dans “Astérix”, qui faisait apparaître des Gabin, des Delon et d’autres célébrités, sous les traits de divers personnages !

Adjim Danngar : Oui, j’aime les clins d’œil et les petites histoires parallèles. Pour donner un exemple, on peut voir, dans une des bulles de “Sommets d’Afrique”, des nuages figurant les têtes du général de Gaulle et de Jacques Chirac !

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Propos recueillis par Caroline Chauvet