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L’Histoire du Congo vue par le Petit futé (édition 2010)


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Source: Afriqu’Echos Magazine
Rédigée par Médard Tambwe Mangala et préfacée par José E.B. Endundo, ministre de l’environnement et du tourisme de la RDC, l’édition 2010 du guide RD Congo du Petit futé a été présentée le 3 avril dernier au centre Wallonie- Bruxelles de Kinshasa. Depuis cette date, quelques recensions de ce guide ont été faites par les médias congolais, presse écrite, sites web etc. sans qu’aucun d’entre eux n’en relève les paragraphes extrêmement douteux consacrés à l’histoire de la RDC.

Certes ce guide – édité à Bruxelles, financé par des encarts publicitaires de firmes essentiellement belges – est à l’usage des Belges, avant tout. En effet, tout autant que de donner des informations (utiles) à un séjour en RDC, l’une des raisons d’exister de cet ouvrage, sans nul doute, est de flatter l’orgueil d’une nation belge mythique en célébrant l’ « œuvre » coloniale et en insistant sur la participation belge au développement du Congo d’aujourd’hui (p.73-78). Essayer de redorer le blason d’un pays dont l’unité part en eau de boudin est certes louable – surtout si l’on se place du côté belge (et plus précisément wallon) – cependant ceci n’autorise pas les libertés que prend l’auteur avec la vérité historique. Car ce livre – dont on peut s’étonner qu’il soit signé par un Congolais et préfacé par un ministre congolais – est l’exemple même du négationnisme en Histoire quand il s’agit de retracer l’action de Léopold II et les premières années de l’indépendance de la RDC.

Déjà, la première édition de 2006, sous la houlette d’auteurs belges, avait de quoi irriter le lecteur un tant soit peu averti de l’histoire coloniale du Congo et des combats pour l’Indépendance, mais celle de 2010 dépasse toutes les bornes admissibles. On n’ y trouvera absolument rien sur l’exploitation inhumaine de l’ « État indépendant du Congo » par Léopold II, de 1885 à 1908 ; pas un mot sur les millions de morts, les mains coupées, les viols et toutes les horreurs dont fut responsable la cupidité du souverain belge qui mit le Congo, sa possession personnelle, en coupe réglée pour la production du caoutchouc rouge. Le Petit futé ignore superbement l’abondante recherche historique qui a établi, depuis longtemps, l’aspect génocidaire de la colonisation léopoldienne. Ce n’est comme à regret qu’il mentionne – et seulement à partir de la seconde guerre mondiale – que le « regard des Congolais se modifia à l’égard du système colonial belge dont les traitements devenaient inhumains et insupportables » (p.55).

Les luttes pour l’indépendance sont évoquées subrepticement, les événements du 4 janvier 1959, au cours desquels 300 Congolais au moins furent massacrés par la Force publique aux mains des Belges, ne font l’objet que d’une simple notation neutre. Le rôle de Lumumba, pour l’indépendance de son pays, est totalement occulté, son discours fondateur du 30 juin 1960, passé sous silence. Sa victoire électorale du printemps 1960, qui résulte d’élections libres – les seules que connut le Congo, jusqu’en 2006, est oubliée, le rédacteur indiquant seulement, dans une approximation fallacieuse, que « le 24 juin, à l’issue d’un vote au Parlement, Joseph Kasa-Vubu est élu chef de l’État et devient le premier président de la République. Patrice Lumumba, leader de la majorité parlementaire, occupe le poste de premier ministre et chef du gouvernement ». On apprend, quelques pages plus loin (p.58) que Lumumba fut assassiné le 17 janvier 1961 ; par qui ? Pour quelles raisons ? Rien n’est dit. En revanche, Tshombe – qui a droit, tout comme Mobutu, et à la différence de Lumumba, à une photo – est présenté comme le pacificateur du pays (p.57) alors qu’au contraire, dès juillet 1960, avec la sécession du Katanga, il précipita le désastre. Le lecteur ne saura pas que cette sécession fut le résultat d’un accord passé entre les féodalités locales, les colons et l’Union minière du Haut-Katanga dans laquelle étaient concentrés les intérêts économiques et financiers de la Belgique. Le lecteur restera aussi dans l’ignorance du coup d’État de Kasa-Vubu, dès la fin de 1960, du pronunciamiento de Mobutu, « ce flic aux ordres des Belges » (JP Sartre) qui prit le contrôle de la Force publique, de la partialité de l’ONU, du rôle des États-Unis craignant que le Congo ne s’allie, alors, avec l’URSS, et qui, tous ensemble, feront assassiner Lumumba par leurs séides, Tshombe et Munongo, parce que le premier ministre représentait, vivant, le refus le plus total du néo-colonialisme.

On l’aura compris, pour sa partie historique, ce guide 2010 du Petit futé, est à rejeter absolument parce que, loin d’apprendre ce que fut l’histoire immédiate de la RDC, il est coupable de raccourcis abusifs, d’omissions scandaleuses, d’analyses superficielles et fausses qui induiront le lecteur en erreur. Il ne participe en rien, bien au contraire, à la construction d’une mémoire historique pourtant indispensable aux Congolais, particulièrement à ceux – les plus nombreux – qui ne connaissent rien des combats menés par leurs glorieux prédécesseurs pour l’indépendance de la RDC. On regrettera que, malheureusement, les autorités congolaises actuelles ajoutent à la confusion – si bien illustrée par le résumé du Petit futé – et brouillent le peu de conscience historique des Congolais : d’abord, en inaugurant à Kinshasa (pour le cinquantenaire de l’Indépendance) un monument à la mémoire de Kasa-Vubu, qui, en bon fédéraliste, fit passer l’unitaire Lumumba, père de l’Indépendance, l’un des héros du panafricanisme, pour un apprenti-dictateur et qui géra entre 1961 et 1965, de concert avec Tshombe, les intérêts occidentaux au Congo ; ensuite, the last but not the least, en tolérant que Lubumbashi, capitale du Katanga, puisse élever une statue à Tshombe, fossoyeur de l’unité nationale du Congo.| Alain Bischoff*

[1]
Notes:

[1] *Auteur de Congo-Kinshasa, la décennie 1997-2007, Paris, Éditions du Cygne, 2008).

mardi 27 juillet 2010 Alain Bischoff*

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2 thoughts on “L’Histoire du Congo vue par le Petit futé (édition 2010)”

  1. @tempête dans un verre d’eau.
    Certes le Petit futé n’est pas un livre d’histoire mais quand il veut retracer, en la résumant, l’histoire de la RDC, autant ne pas trahir la vérité historique: il aurait pu dire les atroocités commises par les Belges au service de leur roi entre 1885 et 1908; il aurait pu dire les brutalités et les vexations subies par les Africains pendant la colonisation, jusqu’en 1960; il aurait pu souligner la grandeur de Lumumba et en publier la photo; il aurait pu dire la médiocrité et la trahison de Tshombe qui se mit au service des Belges, en 1960/61 et après, lorsqu’il fut premier ministre – au lieu d’en faire la personnalité phare de son résumé historique – il aurait pu parler de la partialité de l’ONU lors de l’indépendance; il aurait pu dire que la dictature de Mobutu, soutenue par l’Occident, avait plongé le Zaïre dans une pauvreté immense etc…Mais voilà, le Petit futé a choisi de dire autre chose, plus audible par des oreilles belges, plus à même de flatter les Belges,qui financent le guide et à qui, apparemment l’auteur est lié de par sa profession. Bref le Petit futé a choisi, comme l’écrit avec raison l’auteur de l’article, le négationnisme, donc le mensonge. Quant au reste, ce guide présente évidemment une utilité certaine mais ce n’était pas là-dessus que portent les critiques de Alain Bischoff.

  2. Tempête dans un verre d’eau.
    Je crois qu’il n’est nécessaire de comprendre que l’auteur de ce “Petit futé” comme son nom l’indique n’écrit pas un livre d’histoire.
    Pourquoi chaque fois que quelque chose ne va pas cela devient automatiquement la faute des belges?
    Le Congo dans sa configuration léopoldienne était un bien privé,et les exactions faites aux populations autochtones inacceptables.
    Construire un pays est une œuvre très difficile, l’exemple est là. La vie d’un congolais n’est pas seulement de prix quand c’est un “étranger ” qui le tue et quand il est tué par un autre congolais ça devient un fait divers.
    A comparer avec les pays voisins comme l’Angola le Botswana à côté il faut relever que l’incapacité que le congolais a, à afficher pour reconstruire son pays est aussi remarquable. Tout ne fut pas que sombre comme vous voulez le faire voir. Que dire de l’alphabétisation, la scolarisation des jeunes, l’accessibilité des populations aux soins de santé publique avec l’éradication des maladies du sommeil, la variole, le recul de la malaria qui sont des fléaux aujourd’hui?
    De toutes pièces Léopold II a créé le Congo mais il faut accepter aussi que c’est Mobutu tant décrié qui lui donné son âme.
    Lumumba n’a pas vécu un an après le 30 Juin 1960 et comme toutes les indépendances africaines, personne ne peut affirmer où aurait été le pays si il avait dirigé… le pays jusque où?, jusque quand?.
    N’est-il pas mieux comme il est Héros National?
    Il faut regarder d’où l’on vient, où on est et où on va.Le sang sur les lianes est un épisode cruel et malheureux de l’histoire de ce pays toute aussi comme les différentes rébellions et son lot de souffrances.
    L’histoire ne doit pas nécessairement être celle qui doit nous plaire ou nous convenir.
    Rien que se focaliser sur ce qui ne plaît pas est aussi du négationnisme de l’œuvre accompli.

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